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Les requins peuvent compter sur leur vision, leur système latéral et leur odoratodorat pour chasser, mais pas seulement. Leur tête est en effet recouverte d'ampoules de Lorenzini, des organes sensoriels spécialisés dans la détection d'infimes champs électriqueschamps électriques. Ce système est tellement sensible qu'il peut déceler la présence de poissons enterrés, donc immobiles, uniquement parce qu'ils respirent. Il ne faut cependant pas oublier un point important : les squales ont eux aussi été des proies à un moment donné, par exemple au début de leur vie.
Cet embryon de requin-chabot à tache bleue respire dans son œuf lorsque la présence d'un prédateur est simulée grâce à l'émission d'un champ électrique dans l'eau (après 19 s). L’animal cesse directement de respirer durant 8 s pour éviter d’être détecté. © Kempster et al., 2012, Plos One
Les requins-chabots à tache bleue Chiloscyllium punctatum, une espèce ovipareovipare, ont par exemple un temps d’incubation de cinq mois. Autant dire qu'il leur est impossible de fuir ou de se cacher lorsqu'un prédateur passe à proximité durant tout ce temps, puisqu'ils sont enfermés dans un œuf. Cette situation devient encore plus problématique pendant les derniers stades de développement, car des échanges d'eau existent entre l'intérieur de la capsule et le milieu ambiant. La réalisation de mouvements par les embryons favorise alors l'émissionémission de signaux olfactifs et mécanosensoriels détectables par les prédateurs présents dans les parages. Mais une question demeure : les jeunes squales encapsulés perçoivent-ils la présence d'un danger ?
En se penchant sur la question, Ryan Kempster de l'University of Western Australia et ses collègues ont fait une découverte étonnante. Les jeunes Chiloscyllium punctatum peuvent détecter la présence d'un prédateur sans le voir dès le stade de développement 32, soit peu de temps avant l'éclosion qui survient après le stade 34. La réponse est immédiate en cas de risque potentiel : l'animal se fige. L'information vient de paraître dans la revue Plos One.
Des embryons de requins électrosensibles
Les expériences ont été menées sur des œufs récoltés à l'Underwater World and Daydream Island Resort aquaria dans le Queensland en Australie. Ils ont été placés à différents stades de développement au-dessus d'une source lumineuse, afin de pouvoir observer l’embryon par transparencetransparence, puis exposés à des champs électriques de fréquence variable (de 0 à 20 HzHz) et d'intensité croissante (de 0,4 à 2,1 mV/cm, en trois étapes).
Résultat : les jeunes squales ont le plus réagi aux fréquences comprises entre 0,25 Hz et 1 Hz (avec un pic à 0,5 Hz). Or, ces signaux sont naturellement produits par la respiration d'autres élasmobranches ou téléostéens. La réponse innée se compose d'un arrêt des mouvementsmouvements des branchies et d'un enroulement de la nageoire caudale autour du corps de l'embryonembryon.
Les raisons justifiant ces gestes sont évidentes. La cessation de tout mouvement diminue l'intensité des signaux électriques générés ainsi que l'émission, hors de l'œuf, de stimuli mécanosensoriels détectables par le système latéral des prédateurs. Chez d'autres vertébrés, ces réactions s'accompagnent souvent d'une bradycardiebradycardie, c'est-à-dire d'un ralentissement du cœur. La duréedurée des réponses (certaines ont persisté durant 20 s) était proportionnelle à l'intensité des champs électriques appliqués, qui simule en réalité la distance à laquelle se situe le danger.